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Améliorer la croissance des plantes ?

Samuel Jacquiod et Manuel Blouin, du laboratoire Agroécologie, proposent une nouvelle approche basée sur la sélection des microbiotes rhizosphériques.

 

La sélection végétale ou amélioration végétale est apparue il y a environ 10 000 ans, avec la domestication des céréales. Cette pratique, basée sur la reproduction sexuée des plantes, consiste à croiser entre eux des spécimens qui présentent des caractéristiques d’intérêts, qu’elles soient ornementales ou agronomiques (résistance aux maladies/insectes, meilleure production, qualités nutritionnelles ou gustatives). De génération en génération, les plantes descendantes sont sélectionnées jusqu’à obtention d’une nouvelle variété ayant fixée les caractères (ou traits) souhaités. L’évolution des connaissances et des technologies dans le domaine de la génétique ont conduit au développement des Organismes Génétiquement Mofidiés (OGMs). Ces techniques permettent d’intégrer directement les caractères souhaités (e.g. la tolérance à un ou plusieurs herbicides et/ou la résistance aux insectes ravageurs) au patrimoine génétique de la plante.

Depuis quelques années, une nouvelle méthode émerge : la sélection de communauté microbienne !

Dans le cadre d’un projet financé par la région Bourgogne-Franche-Comté, Manuel Blouin (professeur à AgroSup Dijon) et Samuel Jacquiod (Tenure Track ISITE-BFC), tous deux issus de l’UMR Agroécologie, ont collaboré pour conduire une expérimentation visant à sélectionner le microbiote rhizosphérique.

À l’instar du microbiote intestinal des humains, les plantes bénéficient aussi d’une relation étroite avec des communautés microbiennes, notamment celles situées au niveau de leurs racines : le microbiote rhizosphérique. De nombreux échanges à bénéfices réciproques s’opèrent entre cette communauté et la plante. La plante sélectionne et « nourrit » son microbiote via la rhizodéposition, c’est-à-dire la sécrétion par l’intermédiaire du système racinaires de molécules issues de la photosynthèse. Le microbiote contribue, entre autres, à la structuration des sols, aux cycles biogéochimiques (dont la minéralisation de la matière organique) ainsi qu’à la nutrition et à l’immunité des plantes.

Le microbiote rhizosphérique joue donc un rôle important dans la croissance des plantes.

Sur la base de ces informations, est-il possible d’améliorer la croissance des plantes en opérant une sélection sur les microbiotes rhizosphériques ?

C’est la question à laquelle Samuel Jacquiod et Manuel Blouin ont tenté de répondre au travers de leur étude. L’intérêt et l’originalité de leur approche résident dans la mobilisation de la forte capacité d’évolution et d’adaptation des micro-organismes, dont le cycle vital court permettrait l’apparition rapide de propriétés bénéfiques pour la plante.

Au cours de cette étude, Samuel Jacquiod a donc ainsi tenté d’améliorer et d’abaisser, sur dix générations successives, la santé générale d’une plante* modèle de la famille des Poacées, le Brachypode à deux épis (Brachypodium dystachion). Et ce, en ne se basant que sur la sélection et le transfert de leurs microbiotes rhizosphériques.

A la fin de chaque génération, les microbiotes rhizosphériques des plantes les plus et les moins performantes ont été récupérés (sous forme de jus) et inoculés sur de nouvelles plantes. L’ensemble des plantes utilisées au cours de l’expérimentation étant issues d’un même lot de graines, elles présentaient le même patrimoine génétique au cours des générations : les différences de performance observées chez les plantes sont donc uniquement causées par microbiote inoculé.

La croissance des plantes et l’évaluation de leur état de santé général ont été mesurées via de multiples photographies (plus de 25 000 !) grâce à la plateforme de phénotypage haut-débit « 4PMI » de l’INRAE de Dijon. Cette plateforme, unique en France, constitue un outil indispensable pour réaliser un suivi non-destructif des plantes et limiter les perturbations du couple plante-microbiote, condition primordiale pour réaliser une sélection optimale.

L’étude a ainsi permis de manipuler avec succès la croissance des plantes**, en se basant uniquement sur la composante microbienne, et cela en moins d’une année !

Cette étude a également conduit à une avancée majeure : pour la première fois, l’évolution conjointe de la croissance de la plante et de son microbiote au cours de la sélection a été révélée. Deux phases distinctes ont ainsi pu être mises en évidence. Il y a d’abord une phase initiale transitoire durant laquelle la composition du microbiote varie énormément d’une génération à l’autre, sans effet sur la plante. Suit une phase de stabilisation au cours de laquelle, la composition du microbiote se stabilise d’une génération à l’autre, avec apparition des effets sur la croissance de la plante.

Ces observations suggèrent la mise en place d’une synchronicité entre les différentes dynamiques de populations des espèces du microbiote avec la plante, conduisant à la modification de sa croissance dans la direction souhaitée (amélioration ou réduction).

* L’état de santé général des plantes a été estimé par le biais d’un indice qui comprend la surface des feuilles et l’intensité de la couleur verte, proportionnelle à la teneur en chlorophylle.

** Au maximum, +14,81% chez les plantes qui ont été inoculées avec les microbiotes des plantes les plus performantes, contre -12,37% chez les plantes qui ont été inoculées avec les microbiotes des plantes les moins performantes.

 

Une découverte qui ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour l’amélioration végétale.

Cette étude ouvre la voie vers une nouvelle approche de sélection végétale, tenant compte non plus de la plante seule, mais de l’entité élargie « plante-microbiote » appelée « holobionte » (entité biologique qui comprend un organisme associé à tout son cortège de micro-organismes).

D’ailleurs, Samuel Jacquiod et Manuel Blouin planchent déjà sur le sujet : dans leur laboratoire, ils testent actuellement la pertinence de la sélection végétale par le biais du microbiote rhizosphérique…